Rimbaud...
Roche, c’est le nom du village où a vécu Arthur Rimbaud. Situé dans une région qu’on appelle «la Champagne pouilleuse», Daniel Fouss s’y est rendu à plusieurs reprises. Apprenant que Rimbaud s’était dirigé vers le désert après avoir quitté Roche, le photographe ne s’en étonne pas. En découvrant les vues qu’offre ce village, il comprend l’attirance qu’a pu ressentir le poète face au paysage désertique.
… et les autres
En observant une carte et les localités situées aux alentours, il est possible de tracer une zone qui pourrait être qualifiée en ces termes: «chargée de sens». En effet, à quelques pas du village de Rimbaud se trouve Attigny, village natal de l’écrivain André Dhôtel. Un peu plus loin, Juniville. Paul Verlaine, poète également, y a acheté une ferme et y a vécu. Pour chacun de ces 3 écrivains, cette région a été importante. Elle n’est donc pas insignifiante, il s’en dégage une aura particulière, il s’y passe quelque chose…Et le photographe s’en est lui-même aperçu.
Le vagabondage…
Daniel Fouss marche beaucoup, depuis longtemps. Il pratique le «vagabondage», c’est-à-dire qu’il va, il part, pour découvrir. Jusqu’en 2001, c’est en forêt qu’il se baladait. Puis il a éprouvé d‘autres besoins, il a eu envie d’espace et d’horizon. Il a alors découvert Roche et son premier versant, mais celui-ci lui est apparu comme étant plutôt «étouffé». Toutefois, lorsqu’il est arrivé sur le second versant, il a rencontré des paysages qu’il connaissait et qui lui évoquaient la région du Condroz où il réside. Il y a trouvé un intérêt certain, non seulement pour l’ouverture d’espace qui s’en dégageait ainsi que pour la ligne qui se dessinait.
… et la découverte
Le photographe a pour habitude, lorsqu’il parcourt un paysage, de l’arpenter, et de toujours revenir sur le même lieu. Il pense qu’il est intéressant de le connaître à un tel point qu’on parvient à l’oublier, et des choses finissent alors par réapparaître. Pour ce travail, l’artiste s’est rendu à Roche de façon régulière, toutes les 2 semaines, durant une année entière. Il a donc observé ces paysages à travers chacune des saisons. Et malgré ces différents instants, il a remarqué que peu de changements étaient finalement visibles, tout se passant dans la nuance... Il les considère davantage comme des paysages «intérieurs».
La ligne…
Il se trouvait en effet face à un paysage «vierge», composé de courbes et de lignes «douces». L’effet ressenti était donc tout autre que celui produit par un paysage plus «haché», comme celui d’une forêt. Et puisqu’il s’agit d’un travail sur la ligne, il est intéressant de remarquer, dans certaines photographies, qu’un élément discret, au loin, devient rapidement une «apparition». Qu’il s’agisse d’un arbre isolé, d’un pylône électrique, …
… et l’ouverture d’espace
A travers cette idée d’ouverture d’espace évident (ces clichés ont pourtant été pris dans un espace restreint d’environ 10 km2) s’établit un parfait équilibre entre le ciel et la terre. Cela provoque un intérêt au niveau du regard, car l’œil circule entre chaque partie, il y a un va et vient naturel entre les 2. C’est ce à quoi voulait arriver l’artiste; essayer de donner une profondeur au paysage malgré cette vision frontale. Et il y est parvenu.
Le rythme...
En observant ces images, on peut véritablement parler de rythme. Celui du regard, qui parcourt la photographie, et celui de la marche, lent et régulier. Dans le même sens, on peut évoquer l’idée de chemin… Le format identique de chacun des clichés (30 x 40 cm) permet aussi de retrouver un certain rythme. Ce choix, c’est également une manière d’exploiter le concept d’«ensemble» car les images, présentant les mêmes dimensions, se répondent plus facilement encore l’une à l’autre.
… et la couleur
Ce qui guide généralement le travail du photographe, c’est la lumière ainsi que la couleur. Ici, elles ont toute leur importance. La couleur est loin d’être secondaire et aide à la représentation de l’image. Elle permet au spectateur, qui n’a aucun autre point de repère, de s’imaginer la saison durant laquelle le cliché a été saisi.
L'accomplissement...
L’ensemble «Roche» est important pour l’artiste, car il traduit en quelque sorte l’accomplissement de quelque chose. Si Daniel Fouss s’est rendu dans ce village autant de fois, c’est parce qu’il était fasciné. Il ressentait l’envie d’y aller, encore et toujours... Puis, à un moment, il a su que son travail était terminé. Au final, celui-ci compte 34 clichés.
… et le prolongement
Aujourd’hui, il souhaiterait y retourner car il est persuadé qu’il a encore certaines choses à voir… Désormais, le photographe affirme sa volonté d’arpenter des lieux et endroits restreints pour en extraire l’essence. Son travail continuera donc dans ce sens.